Alimentation en milieu scolaire : entre bonnes intentions et contrôle, où tracer la ligne ?

08 Octobre 2025
Chaque jour, des milliers d’enfants ouvrent leur boîte à lunch à l’école, prêts à recharger leurs batteries pour l’après-midi. Pourtant, ce moment censé être agréable et autonome peut se transformer en source de stress, voire de confrontation, quand des adultes – enseignants ou éducateurs – prennent en charge (ou en otage) le contenu et la consommation du repas.

Est-ce leur rôle de contrôler ce que les enfants mangent ? Est-ce bénéfique pour leur santé… ou leur rapport à l’alimentation ?

Quand la surveillance devient contrôle

En ce début d’année scolaire, les histoires concernant la gestion problématique des lunchs à l’école ne sont pas rares. Dans plusieurs écoles, on rapporte que certains membres du personnel encadrent de manière stricte le repas de midi : vérification du lunch, obligation de finir les légumes avant de toucher au dessert, interdiction de certains aliments jugés "pas assez santé", voire pression directe sur l’enfant pour qu’il termine tout ce qu’il a dans sa boîte.

Ces interventions partent souvent d’une bonne intention : veiller à la santé des enfants, éviter le gaspillage ou respecter la politique alimentaire de l’école. Mais quand cette gestion devient rigide ou culpabilisante, elle peut créer des effets contraires.

Les enfants ne sont pas tous pareils


Forcer un enfant à manger tout son lunch, c’est nier plusieurs réalités :

  1. L’appétit varie d’un jour à l’autre, selon le niveau d’activité, l’état émotionnel, ou simplement le développement individuel.
  2. Les préférences alimentaires évoluent avec le temps. Refuser des légumes à 5 ans ne veut pas dire qu’on ne les aimera jamais.
  3. Certains enfants ont des sensibilités sensorielles ou des troubles alimentaires qui rendent certains aliments très difficiles à manger.

Insister pour qu’un enfant « vide son assiette » (ou sa boîte à lunch) ne l’aide pas à développer une meilleure alimentation à long terme. Au contraire, cela peut créer de l’anxiété, de la résistance, voire un rapport conflictuel à la nourriture.


Une question de confiance… et de partenariat

Le lunch est préparé par les parents, avec ce qu’ils ont à la maison, selon leurs moyens, leur culture, et leur connaissance des goûts de leur enfant. En contrôlant ou en jugeant le contenu du lunch, l’école risque aussi de briser le lien de confiance avec les familles.

Les parents peuvent alors se sentir jugés ou invalidés, alors qu’ils font souvent de leur mieux avec ce qu’ils ont. Une approche plus collaborative permettrait d’instaurer un dialogue ouvert sur la nutrition sans culpabiliser ni les enfants ni les parents.

Que peut-on faire autrement?

Plutôt que de forcer ou de contrôler, les milieux scolaires peuvent jouer un rôle d’accompagnement bienveillant :

  1. Éduquer plutôt que forcer : Intégrer l’alimentation dans le programme scolaire de manière positive (ateliers, dégustations, jardin scolaire…).
  2. Respecter les signaux de l’enfant : Permettre aux enfants de manger à leur rythme, sans pression.
  3. Encourager sans obliger : Proposer, inviter, mais jamais forcer.
  4. Impliquer les familles : Offrir des ressources aux parents intéressés, sans jugement.
  5. Favoriser un climat calme et agréable pendant les repas, pour que le lunch devienne un moment de pause et de plaisir.

En conclusion

La gestion des lunchs à l’école est un enjeu sensible, à la croisée de la santé, de l’éducation et du respect de l’individu. Si les intentions sont souvent louables, il est crucial de réfléchir à la manière dont elles sont mises en œuvre.

Les repas sont un moment d’apprentissage tout aussi important que les mathématiques ou le français. Mais pour que cet apprentissage soit durable et sain, il doit passer par la confiance, l’écoute et le respect du rythme de chaque enfant.


Article rédigé par Jeanne Lapointe, Diététiste-Nutritionniste

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